Pour ou contre la Transparence totale au travers du film The Circle

Thibault Friedrich
7 min readJul 20, 2017

Cet article s’appuye sur le film The Circle vec Tom Hanks, Emma Waston et John Bogeya vient de sortir en France (l’article est rédigé le 19/07/2017) pour traiter la question de la transparence totale et plus généralement de l’établissement d’une conscience collective, thématiques qui sont au coeur du film. Il n’est pas nécessaire d’avoir vu le film pour comprendre l’article par contre attention aux SPOILERS !

Il est intéressant de regarder ces problématiques à travers le prisme de film The Circle. Elles paraissent bien éloigner de notre présent. Et pourtant on se rend compte que bon nombre de situations présentées dans le film sont en fait déjà bien ancrées dans l’époque actuelle.

Cet article est long mais met parfaitement en lumière certains éléments qui pourraient vous intéresser.

Une forme volontairement frénésique

Commençons par la forme choisie pour le film The Circle. Le film dénote un rythme rapide voire un emballement à la fois par la narration, la mise en scène et les plans de caméra.

Sur la narration tout d’abord ; l’histoire avance à grande vitesse. Les scènes ne durent jamais plus de 2 à 3 minutes et sont très souvent suivies d’une ellipse de plusieurs jours. Ainsi même si l’action n’est pas époustouflante, on a peine le temps d’appréhender les personnages principaux. A l’exception des scènes de familles, Emma Watson, l’actrice principale est toujours en mouvement rapide, en train de marcher, pianoter sur son ordinateur doté de multiples écrans, répondre à ses admirateurs, héler ses collègues ; sans jamais s’arrêter. Il n’y pas de pause. Et pour ce qui est des plans de caméra, là aussi on se rend compte que tout est fait pour “perdre” le spectateur. A plusieurs reprises, le visage d’Emma Watson sort du cadre et on tombe sur sa chevelure, ses épaules ou son coup. Même si le film ne comporte pas beaucoup d’action mouvementée, la caméra volontairement chaotique n’aide pas à la lecture du film.

Et en fait, avec un peu de recul, on se rend compte que ces éléments participent à l’état d’esprit du film ou plutôt de l’entreprise prépondérante du film du nom éponyme The Circle. L’entreprise The Circle est un géant de l’informatique à l’esprit “startup” alors tout doit aller vite. C’est ce que le film veut montrer.

Plus proche de la réalité qu’on ne le pense

Pour aller plus loin, il faut se rendre compte que The Circle possède de nombreuses similarités avec des entreprises informatiques comme Facebook, Google et Apple. Facebook pour l’aspect social omniprésent voire omnipotent. Google pour son côté monopolisant et ces projets “excentriques”. Apple pour son écosystème centré sur lui-même.

On pourrait croire qu’il s’agit uniquement de clin d’oeils mais cela va bien plus loin que cela. Voici quelques éléments concrets pour vous en convaincre.

Facebook tout craché

The Circle a beaucoup d’utilisateurs. Facebook aussi. Facebook c’est plus de 2 milliards d’utilisateurs chaque mois. On peut aller encore plus loin: parmi les 4 réseaux sociaux et outils de messagerie de plus d’un milliard d’utilisateurs mensuels, 3 appartiennent à l’entreprise Facebook.

Et pour l’anecdote, pour entrer dans les locaux de Facebook, nul besoin de donner son nom et prénom, il suffit d’indiquer son compte Facebook. Le compte facebook vaut identité réelle à l’instar de The Circle.

Un Google en puissance

L’entreprise The Circle lance de nouveaux projets comme SeeChange ou SoulSearch. Elle est tellement grande et tentaculaire qu’elle est accusée de position dominante. Tous ces éléments font véritablement penser à Google. Au point où Google a préféré se scinder en plusieurs filiales regroupées autour d’une entité appelée Alphabet. L’utilisation du terme Alphabet est intéressant pour Google car il dénote bien l’intention du Géant

Apple pour l’écosystème recentré sur lui-même

Tout d’abord, The Circle a lancé ses propres smartphones, tablettes et ordinateurs comme Apple. Ensuite, la culture de The Circle très recentrée sur elle-même fait énormément penser à Apple qui est très confidentiel. Enfin le culte de la personnalité voué aux fondateurs fait aussi référence à Apple. Et puis archevé le tout, leurs sièges sociaux se ressemble beaucoup non ?

Le siège de The Circle en anneau
Le nouveau siège d’Apple lui aussi en anneau

C’est là qu’on se rend compte petit à petit que le film n’est pas si éloigné de la réalité.

Une aventure qui faire sourire et qui fait peur

A travers les yeux de Mae (le personnage joué par Emma Watson), on découvre The Circle. On découvre une entreprise aux ambitions généreuses mais sans limite. Une entreprise pour qui la fin justifie tous les raccourcis (légaux, éthiques, sociétaux, etc…) avec une forme de naïveté presque touchante. Une entreprise qui relève presque d’une secte(Les salariés s’appelles The Circlists entre eux). Une entreprise qui veut rétablir le communisme sous sa forme la plus pure : le partage sans restriction (de l’information du moins).

Au départ on sourit de la naïveté de la narration. On se dit que cela n’arrive que dans les films. Et ensuite on est pris de doute car l’on se rend compte que cela n’est pas si loin que ça.

En effet, outre la similarité dans les entreprises, le film soulève des problématiques qui font écho dans l’actualité :

  • la connexion en temps réelle des individus
  • la collecte massive de données par les entreprises technologiques
  • l’influence des entreprises technologiques (bienveillante ou malveillante ?)
  • la transparence totale, sans concession et la recherche d’une conscience collective (ce dernier point n’est jamais abordé directement mais demeure en filigramme des points précédents)

Et tous ces points sont en fait reliés entre eux.

Voici quelques parallèles avec la réalité :

  • la démocratisation des outils de messagerie visuelle en instantanée (Instagram et Facebook Messenger avec Stories, Snapchat, Youtube Live, Facebook Live, etc) et les pires histoires qui peuvent en résulter.
  • Si vous ne le saviez pas, oui les entreprises telles que Facebook, Google et Apple, récupèrent énormément de données liées à l’utilisation que vous faites de leurs produits. C’est d’ailleurs comme cela qu’elles améliorent sans cesse leur outil d’intelligence artificielle à commencer par la reconnaissance visuelle. Sur l’application Photos de Google il est par exemple possible de rechercher toutes les photos où une bouteille de vin est présente. Et cela fonctionne aussi pour des objets, des lieux, des saisons, etc. Il y a parfois des ratés mais dans l’ensemble cela fonctionne très bien. Et Facebook fait exactement la même chose. Et pour ce que cela fonctionne aussi rapidement c’est qu’en fait Google a déjà analysé toutes vos photos avant que vous ne fassiez la recherche.
  • Les grandes entreprises technologiques sont de plus en plus puissantes. Apple et Google sont par exemple les seules entreprises au monde à être valorisées plus de 100 milliards de dollars chacune au NASDAQ la bourse américaine. Pas mal du tout lorsqu’on sait que Google a moins de 20 ans d’existence et moins de 60 000 salariés toute filiale confondue.

Alors The Circle et les entreprises qu’il représente comme Google, Facebook, Apple et tant d’autres veulent-elles vraiment devenir toutes puissantes et détruire toute vie privée ?

Le film essaye très justement à cette question. Il laisse envisager un futur où nous pourrions nous servir de cette transparence totale, une forme de communisme de l’information pour faire le bien. Si cela peut sembler utopique, on peut remarquer que d’une certaine manière l’actualité lui rend justice. Les élections présidentielles françaises ont abordé ce thème en détail dans le cadre de la moralisation de la vie politique. C’est aussi le cas avec les nombreuses divulgations réalisées par wikileaks (présidentielles américaines, programme prisme, etc). A un autre niveau, il existe l’entreprise Buffer qui publie ouvertement les fiches de paie de tous ses salariés comme preuve de transparence. Et le film va plus loin, il montre que cette transparence totale peut donner naissance à une conscience collective. Il montre que cette connexion permanente entre les individus peut créer une synergie bienfaitrice. Dans le film il s’agit de retrouver les fugitifs. Dans la vraie vie, la synergie peut être représentée par la diffusion massive des alertes enlèvements sur les réseaux sociaux ou entre Wikipedia qui est un bon exemple de réussite de cette synergie communautaire. Cette synergie incite les gens à aider la communauté sans attendre de retours. On peut aussi le citer le principe de l’Open Source dans le développement informatique qui participe grandement à l’essor de l’informatique.

Mais la vie n’est pas toute rose

Mais bien sûr tout n’est pas si simple. Et là aussi le film ne tombe pas dans la facilité. Il montre les travers d’un tel système. Et ces travers viennent de plusieurs horizons.

Tout d’abord, on peut craindre la concentration du pouvoir entre les mains de quelques individus uniquement. The Circle comme nos sociétés actuelles vont accumuler des pouvoirs gigantesques. A nous de savoir si c’est que nous souhaitons ou pas. Mae a fait son choix et préfère limiter l’influence de The Circle sans pour autant détruire l’entreprise.

Le second travers qu’exploite le film se rapproche très fortement des thématiques abordées dans la série Black Mirror. Certaines personnes trop sensibles aux outils numériques ne prennent plus de recul face à ce qui se dit sur internet. Cela se traduit par :

  • une perte de tout esprit critique
  • une aggressité verbale

Et il suffit que la barrière entre vie numérique et vie physique s’amenuise pour que tous ces problèmes ressurgissent dans la vie réelle et que ces personnes ne deviennent que des bêtes sauvages. C’est ce The Circle veut montrer avec la mort de Mercer.

Ni Blanc, ni Noir

En conclusion, The Circle est un film très moyen comme divertissement mais il a le mérite de traiter d’un sujet de fond. Et n’en déplaisent à certains, NON The Circle ne décrit pas une dystopie. Il montre un futur terrifiant pour certains, nécessaire pour d’autres. Et il a surtout le mérite de montrer que la technologie n’est pas un problème, elle révêle uniquement la nature humaine profonde et ses travers.

Et si vous n’êtes pas d’accord avec cette analyse, n’hésitez pas l’écrire en commentaire.

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Thibault Friedrich

Front-end developer, Tech addict, UX lover, Code Crafter, Freelance. I publish high quality articles every month.